Dire JE en classe de langue : un nouvel objectif spécifique pour les étudiant-es en mobilité académique

Alessandra Keller-Gerber, Université de Fribourg

DOI : 10.51186/journals/ed.2025.15-1.e1822

Résumé

Cet article articule deux expériences d’enseignement : un cours intensif de FLE destiné aux étudiant-es de mobilité en arrivée à l’Université de Fribourg (Suisse) – mené à partir de photographies entre 2020 et 2021, fédérant les discussions de classe autour de thématiques comme « un objet dans ma valise » ou « journal d’une journée » – et un atelier de didactique où de futur-es enseignant-es des langues étrangères fribourgeois-es inscrit-es en bachelor FLE ont analysé les productions écrites et orales issues du premier dispositif, en 2024. Des inventaires d’actes de paroles ont été composés, correspondant aux envies de dire, et de se dire des étudiant-es en échange durant leurs premiers jours en Suisse, et de nouveaux dispositifs didactiques sur les mêmes thèmes ont été envisagés. Cette mise en dialogue pose la question de savoir quelle acceptation du mot culture correspond aux objectifs d’apprentissage (inter-) culturels d’étudiant-es en « situation d’atterrissage » dans le contexte suisse.

Mots-clés : didactique des langues sur objectifs spécifiques, mobilité académique, photographie, pratiques réflexives, réseaux sociaux 

Abstract

This article focuses on two teaching experiments: an intensive FLE course for incoming exchange students at the University of Fribourg (Switzerland) – based on photographs taken between 2020 and 2021, bringing together class discussions around themes such as “an object in my suitcase” or “a day’s diary” – and a didactics workshop in which future foreign language teachers enrolled in a FLE bachelor’s degree analyzed the written and oral productions resulting from the first experiment, in 2024. Inventories of speech acts were compiled, corresponding to the exchange students’ desires to say and to be said during their first days in Switzerland, and new teaching methods on the same themes were envisaged. This dialogue raises the question of what acceptance of the word culture corresponds to the (inter-) cultural learning objectives of students in a situation of “landing” in the Swiss context.

Keywords: academic mobility, photography, reflective practices, social networks, teaching languages for specific purposes

INTRODUCTION

Dans le contexte d’un cours de langue, les apprenant-es réinvestissent rarement leurs expériences personnelles dans une réflexion sur les apprentissages culturels (Molinié, 2023, 2024) : en classe, dans sa nouvelle langue, on fait souvent comme si, pour mémoriser des scripts discursifs qui serviront éventuellement plus tard. En situation de mobilité pourtant, le cours de langue devrait fonctionner comme une caisse de résonance des observations faites hors les murs, afin d’accompagner l’immersion dans le nouveau milieu.

Depuis quelques années, nous récoltons des corpus de discours oraux et écrits produits dans le contexte de cours donnés au Centre de langues de l’Université de Fribourg. En 2020/2021, nous avions postulé que le geste photographique pourrait renseigner sur les besoins de dire de personnes en situation d’  « atterrissage » en Suisse (Lemounier & Keller-Gerber, sous presse)1. Déclenchées par des consignes photographiques simples – comme « un objet dans ma valise », « un selfie en Suisse », « par ma fenêtre » ou « journal de ma journée à Fribourg » – ces productions font aujourd’hui l’objet d’une didactisation dans le cadre d’un séminaire de formation pour futur-es enseignant-es des langues étrangères. À partir d’inventaires d’actes de parole récurrents dans ces corpus de productions écrites produites en classe de langue, de nouveaux dispositifs d’enseignement se créent en atelier de didactique, ciblant l’expression des étonnements expérimentés dans la société-cible.

L’articulation entre apprentissage de la langue, acquisition de compétences (inter-) culturelles et formation des futur-es enseignant-es aux didactiques sur objectifs spécifiques feront l’objet de cet article. Il développera trois volets : une brève description des contextes d’enseignement qui ont suscité la réflexion autour de l’objet culturel en classe de langue (partie 1), un rappel du cadre didactique dans lequel la démarche s’inscrit – les méthodologies d’enseignement des langues sur objectifs spécifiques (partie 2), la présentation de projets pédagogiques conçus par la cohorte de futur-es enseignant-es des langues étrangères ayant participé au séminaire intitulé Autobiographie en classe de langue, à l’Université de Fribourg (CH), au printemps 2024 (partie 3).

1. L’OBJET CULTUREL EN CLASSE DE LANGUE

L’objet culturel en classe de langue est le titre général donné à une unité d’enseignement estampillée « interculturel », proposée dans le cadre de la formation bachelor FLE et Daes1 à l’Université de Fribourg (CH)2. Dans ce contexte, au printemps 2024, le thème du séminaire a été « dire JE en classe de langue ». L’idée de cet enseignement partait d’un double constat : d’abord, quand on demande aux étudiant-es de mobilité de parler des expériences faites à l’étranger – après, ou même durant le séjour – on se rend compte de la difficulté qu’elles/ils éprouvent à savoir quoi dire et par où commencer. L’on obtient alors des lieux communs compatibles avec n’importe quel lieu : « meilleure expérience de ma vie », « je ressors complètement changé », « j’ai appris beaucoup de choses », « je conseille ça à tout le monde » :

Figure 1. Photo affichée sur le panneau public du Service des relations internationales de l’Université de Fribourg, automne 2020

Ensuite, dans un contexte de mobilité académique, la classe de langue est rarement un lieu où l’on discute du « je », « ici », « maintenant » (Keller-Gerber, 2021). Les deux photographies ci-dessous ont été « volées » durant le stage intensif de français qui se déroulait précisément au moment où cet article était en train de s’écrire. Atterri-es à Fribourg depuis trois jours, les étudiant-es de FLE sont projeté-es dans la préparation d’un voyage en Thaïlande (Figure 2). Dans les couloirs de leur université romande, on leur vend des examens de français représentés par de la baguette, des frites et des macarons parisiens (Figure 3).

Figure 2 & 3. Photos « volées » à l’Université de Fribourg durant le stage intensif de français présemestriel, couloirs et salle des maîtres (SA24)

Lorsque l’on prend un cours de langue depuis chez soi, l’attente est d’arriver à se façonner un système – langue et culture – permettant à la fois de construire, progressivement, du discours et des représentations du monde-cible (lointain). Les éléments culturels dont on discutera dans ce cadre sont des données stables et figées, à valeur informative. Dans ce contexte, les apprenant-es se prêtent volontiers aux jeux de rôles qui leur sont proposés, en se mettant à la place des personnages en papier de leur livre de classe. Mais lorsque le cours de langue est pris par des étudiant-es en amont de leur séjour de mobilité internationale, ou durant ce séjour, l’imbrication langue-culture doit être pensée autrement, au risque de faire perdre du temps aux participant-es dans leur intégration sociale. Continuer à être soi dans sa nouvelle société-cible, être capable de faire part des questionnements, étonnements et découragements liés au voyage, doit donc constituer un objectif spécifique du cours de langue.

Dans Manières de classe, Porcher (1994a) avait illustré sa méthodologie d’enseignement de la culture en classe de langue : les « universels singuliers » sont ces thèmes présents partout mais significatifs de manière différente selon les groupes et leurs territoires, dont il s’agit de faire expliciter le fonctionnement. En prenant exemple sur des découpages thématiques comparables dans les espaces de départ et d’arrivée – le temps, l’amour, la nature, etc. – la « compétence culturelle » des apprenant-es s’affinerait par l’explicitation et le classement des pratiques sociales et des représentations – constant rapprochement du connu avec ce qui reste encore à connaitre (Porcher, 1994b). C’est cette acceptation de la notion de culture que nous avons choisie avec Marie Le Mounier – didacticienne des langues et photographe – pour la mise en place d’un cours de FLE en ligne, complètement basé sur des consignes photographiques (Le Mounier, 2021). Nous étions alors dans la première phase de la pandémie de Covid 19 ; les étudiant-es de mobilité qui devaient arriver en Suisse pour commencer le semestre de printemps étaient confiné-es dans leurs chambres à Fribourg, ou bloqué-es dans leurs pays respectifs.

Pour ce cours atypique – deux semaines, quatre périodes tous les matins, 20 participant-es de niveaux très disparates à distribuer en deux groupes – un découpage en séances thématiques a permis de fédérer les travaux de classe : « un objet dans ma valise », « par ma fenêtre », « une belle image d’un endroit laid », « un portrait », « un autoportrait » ou « un selfie en Suisse », « journal de ma journée à Fribourg ». Pour chacun de ces sujets, des matrices photographiques et textuelles – à visée autobiographique – permettaient de se relier, autant que possible, avec les thèmes attendus d’un cours de langue généraliste : décrire un objet, un lieu, une personne et parler de sa journée. Repartant avec des consignes pour la production d’une image et d’un texte, les apprenant-es travaillaient en autonomie les après-midis pour revenir présenter leurs travaux le lendemain en ligne. À partir des mêmes matrices photographiques, les étudiant-es les plus avancé-es proposaient des textes de longueur variable alors que les débutant-es rédigeaient des légendes. Pour pallier aux besoins linguistiques spécifiques de chacun-e – les images individuelles convoquant des univers sémantiques à chaque fois différents – nous avons mis en place un système de va-et-vient normé entre des textes rédigés en langue-cible, traduits en langue maternelle pour contrôle sur une application de type DeepL et copiés-collés à nouveau dans le traducteur pour obtenir un second texte en français. Cette méthode simple permettait à chacun-e d’être autonome dans la découverte des nouveaux mots/expressions et formulations nécessaires pour dire ce qu’elles/ils avaient envie de dire à partir de leurs images.

Figure 4. Devoir photo-texte-traduction sur le thème « une belle photo d’un lieu laid ». Corpus de productions écrites SA21

En classe, l’auteur de cet écrit avait commenté sur le fait qu’il n’acceptait pas de corriger « retrouver » par « trouver », comme le lui proposait le traducteur :

Je garde retrouver et pas trouver comme propose DeepL. Car c’est justement parce que je suis loin, en Erasmus, qu’il est important de retrouver l’arc-en-ciel que je vois chez moi […]. Comme la lune, on la voit dans tous les pays et ça me donne du calme. Tout le monde aime les arcs-en-ciel. 

En observant attentivement les deux versions de son texte en langue-cible, il a appris qu’« un arc de ciel » se dit en fait « arc-en-ciel ». L’arc qui se dessine, majestueux dans le ciel gris, prend tout l’espace. On pourrait regretter que DeepL corrige la belle image de mots bricolée, que la photographie – par sa composition – avait pourtant dictée…

2. L’OBJET CULTUREL EN FORMATION DE DIDACTIQUE

Au printemps 2024, le séminaire Autobiographie en classe de langue – proposé aux futur-es enseignant-es de FLE inscrit-es au Département de plurilinguisme et didactique langues étrangères de l’Université de Fribourg (CH) – s’est donné pour objectif d’inventorier les actes de paroles récurrents dans le corpus de productions issu des stages intensifs de 2020/2021. L’hypothèse sous-jacente était que ces inventaires renseigneraient sur les envies de dire (et de se dire) d’étudiant-es en situation de mobilité académique et l’idée était de formuler d’autres activités répondant précisément à ces besoins. En didactique des langues sur objectifs spécifiques, ce travail d’observation correspond à la phase de récolte et de dépouillement de données de terrain, permettant à la fois de se familiariser avec l’univers linguistique et sémantique à cibler et de concevoir des unités pédagogiques y répondant (Mangiante & Parpette, 2022). Les publications scientifiques et didactiques s’intéressant aux étudiant-es de mobilité ne manquent pas, en français sur objectif universitaire (FOU) particulièrement – qui considère la langue à acquérir pour devenir efficace dans le métier d’étudiant-e en langue étrangère (Mangiante & Parpette, 2011), mais peu de travaux s’attèlent à comprendre quelle est la langue nécessaire pour dire son expérience de mobilité, et le faire complètement en langue-cible3.

Après une partie théorique concernant la parole autobiographique (d’un point de vue discursif et narratologique) et ses implications en didactique des langues, le séminaire s’est déroulé en deux pans : 1. L’analyse de l’existant – six corpus thématiques de productions d’étudiant-es des stages intensifs 2020/2021, les fiches pédagogiques utilisées par les enseignant-es et les matrices photographiques et textuelles qui leur avaient été proposées en cours ; 2. De nouvelles propositions pédagogiques axées sur l’une des 6 thématiques, mais explorant un aspect qui ne l’avait pas encore été. Pour cette seconde partie, l’espoir était que les futur-es enseignant-es – partageant avec les publics d’apprenant-es en mobilité une appartenance générationnelle – puissent penser des consignes de travail proches des pratiques culturelles et sociales en vogue. 

2.1. La portée du thème

Le plus grand piège pour les futur-es didacticien-nes – et qui n’a, d’ailleurs, par toujours été évité – était de penser déjà tout savoir sur le thème du corpus dont elles/ils avaient la charge. Ce sentiment de simplicité comportait le danger de ne pas réussir à voir ce qui s’était réellement passé dans les productions des apprenant-es. Pour cette raison, avant de se mettre au dépouillement des données, les étudiant-es-analystes ont fait l’effort systématique d’un remue-méninges exploratoire : quels rôles, quelles places physiques et symboliques sont attribués au sujet traité dans nos sociétés ? Pour amorcer la réflexion, les documentaires Le dessous des images4 – articulés autour de thématiques universelles et de leurs représentations iconographiques (la propreté, le tourisme, le corps, la fabrique des emojis, etc.) – ont été visionnés.

Si nous reprenons l’exemple de « l’objet dans ma valise », voici quelques-uns des axes répertoriés par les étudiant-es en didactique durant cette phase exploratoire5 (Tableau 1).

Tableau 1. Quelques exemples d’axes d’analyse répertoriés par les étudiant-es en didactique (SP24) concernant le thème « un objet dans ma valise »

L’OBJET (DANS MA VALISE) – EXPLORATION DU THÈME

La définition du concept d’objet

 

« Chose maniable […] fabriquée […] ayant une identité propre […], relevant de la perception extérieure, appartenant à l’expérience courante, répondant à une certaine destination »6

La pertinence du thème en lien avec l’époque, l’expérience du monde d’un-e étudiant-e de mobilité

Consommation / banalisation / écologie / matérialisme / fétichisme

Objets utilitaires / symboliques / à valeur sentimentale

Mobilité : implique une sélection d’objets à emporter  

 

Pertinence du thème dans un cours de langue

Les objets sont partout et très différents

Les objets sont faciles à photographier

Un même objet peut être considéré différemment (échanges inter-culturels / universels singuliers)

L’objet dans la culture anthropologique

Les objets participent à la conceptualisation du monde

Les objets peuvent indiquer une appartenance (classe sociale, participation à un groupe, ex : une Rolex, une écharpe de l’équipe de hockey)

L’objet dans la culture « cultivée » et « patrimoniale »

Les objets représentés dans des œuvres d’art sont nommés « attributs » (ex : la synagogue a les yeux bandés). Ils sont parfois détournés (ex : le pissoir de Marcel Duchamp, « ceci n’est pas une pipe » de René Magritte, le « pianococktail » de Boris Vian dans L’écume des jours, etc.)

De cette mise en commun des expériences par le groupe d’étudiant-es s’est construit un catalogue d’images, de textes littéraires et médiatiques, de situations ou d’anecdotes vécues. Ces éléments culturels autour du thème constituent une première banque de données de documents pouvant servir une triple fonction dans l’élaboration d’un projet pédagogique : avoir le rôle de documents d’analyse pour la/le didacticien-ne (informant sur le fonctionnement des discours produits sur le thème par un groupe donné), apparaître comme documents-matrices pour les apprenant-es (formats à imiter pour produire une typologie spécifique de discours), ou comme déclencheurs de réflexion en classe (dans la phase de lancement des activités, par exemple).

2.2. Les inventaires d’actes de paroles

La seconde étape de l’atelier pédagogique devait mener à l’établissement d’inventaires d’actes de parole récurrents dans les corpus de production d’apprenant-es du stage intensif pour constituer des référentiels de compétences. Pour ce travail d’analyse, il s’agissait aussi d’évaluer l’impact des matrices discursives et iconographiques qui avaient été montrées en 2020/2021 sur les discours produits. Par un travail de repérage transversal au corpus, le savoir-faire complexe « parler d’un objet dans sa valise » a été décomposé en actes de paroles qui le constituent. L’analyse de ces actes de paroles a permis, à son tour, d’établir une liste des outils de langue qui seraient nécessaires à enseigner pour cibler, par un processus en spirale, le savoir-faire de départ (Tableau 2).

Tableau 2. Extrait d’un référentiel de compétences composé par les étudiant-es en didactique concernant l’acte de paroles « Parler d’un objet dans sa valise » (SP24)

SAVOIR-FAIRE COMPLEXE

ACTES DE PAROLES

OCCURRENCES DANS LE CORPUS (exemples)

OUTILS DE LANGUE POUR LA CLASSE

Parler d’un objet dans sa valise

Exprimer le moment et la durée d’utilisation

« Je l’utilise chaque jour »

 « Il me sert tous matins »

« À chaque fois que je pense à… »

« N’importe quand »

« Presque toujours »

Adverbes de fréquence

Vocabulaire lié au temps (durée / météo)

Exprimer l’utilité (pour soi)

« C’est utile pour faire… »

« Il est indispensable »

« Ça sert pour… »

V : savoir / (se) servir (de) / avoir besoin de / apporter / employer / emmener

Adj : utile / indispensable / incontournable

Exprimer l’importance

(Pour soi)

« Il est important »

« Le plus important »

« J’en ai besoin »

« Je l’apporte pour » / « Je l’emporte pour »

Dire où et quand on l’utilise

« Quand je suis dans un endroit que je ne connais pas »

« Pendant les vacances, surtout à l’étranger »

« Quel que soit le temps »

« Pour l’université »

« Dans le train »

« Quand je suis seul »

Prépositions (temps / lieu)

Conjonctions (quand / lorsque)

Vocabulaire lié au voyage

Vocabulaire lié à la météo / aux températures / aux sensations / aux émotions

Inclure son public dans le discours

 

 

« Bonjour, alors moi je vais vous présenter »

« Merci, au revoir ! »

« C’était mon objet, merci ! »

« Aujourd’hui, on va parler »

Vocabulaire lié aux salutations

Structure discursive : vidéos sur les réseaux sociaux

Fonction phatique prononcée (même à l’écrit)

Dire pourquoi on l’a choisi (en rapport à la consigne)

« J’aime faire… »

« L’important, c’est que je puisse voir l’arc-en-ciel »

« J’ai choisi cet objet parce que je fais… »

« En général, je l’emporte avec moi »

« Parce que, selon moi… »

« Normalement, je sors… »

« D’habitude, quand je… »

« Si je réfléchis »

« C’est beau »

« Une jolie photo »

Expression de la cause : parce que, car, c’est pourquoi, donc, en fait…

V : apprécier, aimer, avoir besoin de, s’en servir pour, trouver

Expression de l’opinion : selon moi, à mon avis, je trouve, pour moi

Expression des habitudes

En observant la liste des actes de paroles, on voit que l’exercice d’écriture – basé sur des photographies personnelles, en lien avec un moment précis du voyage – a donné des résultats très différents, comparé à ce à quoi l’on pourrait s’attendre dans un exercice analogue, tel que proposé dans des méthodes de langue généralistes7. Ce qui frappe de manière systématique, et ce dans tous les corpus thématiques, c’est que ces discours sont orientés vers un public allant au-delà de l’enseignant-e qui a commandité l’exercice – même à l’écrit. On note la présence systématique d’éléments d’ouverture et de clôture « bonjour à tous et à toutes, alors aujourd’hui… », « salut ! Alors moi je vais… », « J’espère que vous avez aimé » ; ainsi qu’une volonté de justifier ses choix personnels, aussi bien sur le plan de la production de l’image « une jolie photo », que de ce que dit l’objet de soi « je suis un lion », « l’important est que je puisse voir l’arc-en-ciel ». Différents plans temporels se rejoignent et s’entre-mêlent dans ces discours : la situation de vie de l’auteur-e « d’habitude », « en général, je l’emporte avec moi », le moment du geste photographique « j’ai choisi cet objet, parce que… », et la situation d’écriture faisant remonter à la surface des sensations vécues et des souvenirs, « si je réfléchis [au moment où j’écris] ». 

Partant de l’observation de ces productions d’apprenant-es, en regard du matériel qui avait été utilisé durant les cours intensifs et en contraste avec des séquences pédagogiques consacrées aux mêmes thèmes dans des méthodes de langue, les étudiant-es-analystes ont donc pu répertorier les envies de dire qui avaient été suscitées par les consignes photographiques, réaliser la complexité de ces discours fortement autobiographiques et en décrire le fonctionnement en termes d’outils de langue. Durant la dernière phase du séminaire – dissipée l’impression de simplicité initialement éprouvée – elles/ils ont réfléchi à de nouvelles pistes pédagogiques sur les mêmes thèmes, en lien avec leurs propres expériences d’autobiographes-photographes. C’est à cette nouvelle étape que sera consacrée la dernière partie de l’article.

3. NOUVELLES PROPOSITIONS PÉDAGOGIQUES POUR DIRE JE EN CLASSE DE LANGUE

À ce stade de la formation, les deux objectifs principaux avaient été atteints : 1. Sensibiliser les futur-es enseignant-es au fonctionnement des discours autobiographiques et discuter de leur étrange absence des cours de langue ; 2. Établir, avec le groupe, un cadre méthodologique pour la production de séquences pédagogiques sur objectifs spécifiques, basé sur des référentiels de compétences établis à partir de données de terrain existantes. Mais, sachant que nous avions affaire à des étudiant-es en didactique en âge de partir à l’étranger – participant de cette génération Z pratiquant largement la mise en scène de soi sur les réseaux sociaux – nous attendions aussi de ces personnes qu’elles nous informent sur des formats discursifs que nous ne connaissions pas. À l’issue de la présentation des référentiels liés aux corpus de données imposés (partie 2), nous leur avons donc demandé de repenser des objectifs permettant – tout en rentabilisant les analyses faites – de varier les formats pour la production de discours sur soi durant l’expérience de mobilité. Voici la liste des nouveaux objectifs d’enseignement proposés par l’ensemble du groupe en didactique (SP24) :

  1. Écrire des légendes sur Instagram à partir de photos du voyage
  2. Produire des vidéos de soi faisant des courses en Suisse et goûtant des produits
  3. Faire un Vlog d’une journée
  4. Faire un portfolio avec une photo sérieuse et une photo professionnelle, et les commenter
  5. Participer au concours : les dix événements les plus importants de ma vie
  6. Faire un récit de voyage à poster sur un site d’agence de voyage
  7. Choisir un roman et dire pourquoi on a aimé
  8. Parler de ses étonnements au supermarché
  9. Parler de sa collection d’objets
  10. Parler d’une journée dans la vie d’un objet que l’on utilise tous les jours (la brosse à dents, la tasse de café, etc.)
  11. Objets banals et objets étonnants (selon moi)
  12. Les émotions d’un-e sportif/ve
  13. Dire ses frustrations quand on aime écrire et qu’on n’écrit pas dans sa langue

Pour chacun des objectifs visés, une récolte de données de terrain a été faite ; de ces analyses de discours – prenant la forme d’inventaires de savoir-faire – des listes d’actes de paroles à cibler ont été composées. Comme nous ne pouvons malheureusement pas traiter ici tous les projets qui ont été produits pendant le séminaire, par souci de cohérence avec ce qui précède, nous ne retiendrons ici que ceux en lien avec l’exposition de soi sur des plateformes en ligne (projets 1, 2, 3, 5 et 13). Et afin de commenter l’étape finale et plus créative du séminaire, nous nous concentrerons principalement sur l’un d’entre-eux, concernant la production de Vlogs (projet 3).

3.1. Parler de soi en ligne, en français (langue étrangère)

Grâce aux nouvelles technologies, l’étudiant-e à l’étranger se coupe moins de ses mondes de départ et d’arrivée qu’auparavant. Durant un séjour, des plateformes comme Instagram ont remplacé les cartes postales : ce sont des lieux d’exposition du soi qui voyage garantissant le maintien de liens, quotidiens et instantanés, avec les différentes communautés d’appartenance. Faire défiler, du bout du doigt, les images choisies pour se représenter avant, durant et après son échange signifie aussi produire un discours sur cette expérience : quelles habitudes ont été maintenues, lesquelles ont changé (Georgakopoulou, 2016 ; Rettberg, 2014 ; Sibout, 2024) ? En ce sens, les plateformes en ligne sont un lieu où lire des négociations qui se tissent entre le moi d’avant, le moi qui s’est éloigné et le moi qui reviendra bientôt, et que vous trouverez peut-être changé…

Faire le Vlog d’une journée8

Vlog est la contraction de « blog » et de « vidéo ». Ces films courts apparaissent généralement sur des plateformes comme Youtube, Instagram ou Tiktok pour décrire la journée de l’auteur-e. Pour constituer son référentiel de compétences, l’étudiante a observé 4 Vlogs, et les a traités de manière transversale selon les catégories d’analyse suivantes : « ce qui est montré », « ce qui est écrit » et « ce qui est dit (voix off) » (Tableau 3).

Tableau 3. Extrait d’un tableau d’analyse d’un Vlog par une étudiante en didactique (SP24)

ANALYSE DU VLOG

« Une journée avec moi constituée essentiellement de bac blanc ☀️💕 😰 »

Ce qui est montré

Ce qui est écrit

Ce qui est dit (voix off)

Un café en préparation

4h et café

Je commence à 4h, j’ai pas assez révisé

M. devant son ordinateur

Révisions

C’est l’histoire-géo

M. se maquille

Makeup + outfit du jour

Aujourd’hui, trois bacs blancs

M. marche

Go to Lycée

Je l’ai eu sans courir, j’étais très fière de moi

M. toute joyeuse avec sa copine en classe

Bac blanc espagnol / anglais 8h15-11h25

J’ai raté les deux épreuves

M. vue plongeante, contrôle son look et embrasse la caméra

Bac blanc histoire / géo 13h30-11h25

Et puis j’ai travaillé deux bonnes heures

M. fait une sieste chez sa copine

Petite sieste

Après les épreuves, fatiguée, j’ai fait une petite sieste chez P.

M. et sa copine dans le bus

Et go to Mac Do

Et après, on va au Mac Do

M. marche

M. met son iPad à charger

On rentre à la maison

Rentrée vers 22h30-23h. Faut recharger l’iPad, vital !

M. se démaquille devant le miroir

Démaquillage

Je suis exténuée

M. plongée dans les coussins, montre sa bouillotte

Au dodo

Je vais ENFIN me coucher !

À partir de ces repérages, un référentiel correspondant à la compétence complexe : « Faire le Vlog d’une journée » a été composé. Par manque de place, quelques bribes significatives de cet inventaire sont reproduites ci-dessous, correspondant à l’acte de parole « je me moque de moi-même », « je dis le contraire de ce qui est montré sur l’image ».

Tableau 4. Extrait d’un référentiel de compétences correspondant au savoir-faire « Faire un Vlog d’une journée », créé par une étudiante en didactique (SP24)

SAVOIR-FAIRE COMPLEXE

ACTES DE PAROLES

OCCURRENCES DANS LE CORPUS (je me moque de moi-même / je dis le contraire)

OUTILS DE LANGUE POUR LA CLASSE (je me moque de moi-même / je dis le contraire)

Faire un Vlog d’une journée

Je salue / je dis ce que je vais faire

« Oh, faut que j’arrête de dire café, tu bois des chocolats chauds »

« Je viens de m’auto-gronder »

« Je l’ai eu sans courir, j’étais très fière de moi »

« J’ai raté les deux […] ben qu’est-ce que j’ai fait ? »

– Le passé-composé + imparfait (décalage temporel entre photo / texte / parole)

– L’autodérision / l’ironie (décalage entre ce qui est montré et ce qui est dit) : phrases affirmatives / questions rhétoriques / phrases évaluatives / modalisateurs / onomatopées

– Fonction phatique

Je dis ce que je fais dans la vie

Je dis ce que j’ai fait durant cette journée

Je me moque de moi-même

Je dis le contraire de ce qui est montré sur l’image

Je structure mon récit

Le rituel du coucher, je commente

L’exemple des Vlogs montre, en premier lieu, comment l’image, l’écrit et la parole en voix off interagissent pour fabriquer du sens (Sibout, 2024). Comme dans l’exemple de l’objet, les plans temporels sont en décalage : entre le geste photographique et le commentaire de l’image, une distanciation se crée et l’auteure a envie de rire d’elle-même. Les actions du quotidien, « je me lève », « je me lave », « je me couche » s’explicitent traditionnellement en classe de langue, mais sont des gestes intimes qui s’opèrent sans paroles dans la vraie vie. Les expositions de soi sur les réseaux sociaux sont des lieux où s’incarnent ces dialogues intérieurs, qui leur donnent de la voix. De ce point de vue, faire concevoir un Vlog réhabilite des savoir-faire qui, jusque-là, étaient répétés en classe de langue sur un mode artificiel.

Ensuite – et dans l’exemple du Vlog, il s’agit vraiment d’une stratégie dominante – les auteur-es jouent sur les contrastes, entre ce qui est montré et ce qui est dit, pour susciter de l’amusement : M. contrôle son look en embrassant la caméra alors qu’elle vient de dire qu’elle a raté les épreuves du matin et qu’elle a deux heures pour se préparer aux prochains examens. La liste des outils de langue convoque des éléments de rhétorique, comme l’autodérision et l’ironie, qui ne s’enseignent pas avant que les apprenant-es de langue soient de niveaux très avancés (Conseil de l’Europe, 2020). Mais, si l’on revient au tableau d’analyse, on voit que, grâce à l’imbrication image/texte/parole, ces effets de sens complexes ne sont finalement plus inaccessibles aux classes débutantes. Nous pourrions encore parler du rôle des symboles Emojis dans ces processus discursifs, permettant de partager, de manière instantanée et sans mots, les sentiments suscités par les situations exposées, mais il est temps de conclure.

CONCLUSION

L’explication de la « rhétorique du vide » sévissant en classe de langue et dans les lieux où se discutent les expériences de mobilité académique internationale n’est pas à imputer aux étudiant-es elles/eux-mêmes – qui ont, par ailleurs, fait des observations fines durant leur séjour, en se fabriquant des souvenirs dont on trouve la trace ailleurs, comme sur les réseaux sociaux (Keller-Gerber, 2024). C’est dans la relation pédagogique qu’il faut chercher les graines de ces échanges stériles : en tant qu’enseignant-e disciplinaire, formateur/trice en langue, ou membre de l’administration ayant organisé le voyage, nos questions et consignes mettent les étudiant-es dans la situation de produire un discours enchanté sur l’expérience d’échange qui leur est offerte dans notre pays ; d’autant plus qu’en tant que co-acteur-res, nous les mettons en situation d’être redevables (Keller-Gerber, 2024). Plutôt que de continuer à éblouir avec des sucreries colorées et des paysages venant d’ailleurs, on ferait définitivement mieux de ne rien décider du tout concernant les contenus culturels mis en jeu dans nos cours de langue destinés aux étudiant-es de mobilité ; offrir des matrices pour leur permettre de s’exprimer et les laisser nous guider par leur regard sur notre monde.

En tant que formateur/trice en langue ou co-acteur-e des mobilités, on pourrait craindre de s’intéresser à des témoignages sur le quotidien vécu par les personnes dont nous avons la charge – les juger trop intimes pour être intégrés aux formations. D’un autre côté, ne pas s’y intéresser signifie aussi s’éloigner des préoccupations et des besoins de nos publics. Si l’on décide de travailler à partir d’images prises avec les téléphones portables pour recueillir des envies de dire – comme la démarche présentée le suggère – un contrat pédagogique doit donc s’établir avec le groupe-classe : la formation se centrera sur les contenants – des matrices discursives, des trends – et non sur les contenus mis en JE. Prendre la parole par le MOI en classe de langue ne signifie pas ouvrir son journal intime, ni dire la vérité. Durant une expérience de mobilité, particulièrement, on guidera les échanges du groupe-classe vers des observations individuelles, pour autant qu’elles soient mutualisables, partageables et surtout généralisables.

RÉFÉRENCES

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Sibout, G. (2024). Jeux de rôles. L’image de soi sur les réseaux sociaux. La Tour-d’Aigues : Éditions de l’Aube.

Notes

1 Marie Le Mounier était stagiaire à l’Université de Fribourg (CH) durant le printemps 2021. Une analyse détaillée du corpus de 2020 est disponible dans son travail de Master, présenté à l’Université Paris 3 en septembre 2021 (Le Mounier, 2021).

2 Français langue étrangère – Université de Fribourg

3 Dans le domaine des Pratiques réflexives en lien avec la classe de langue, les dispositifs proposant d’établir un lien entre réflexivité et expérience de mobilité sont nombreux. Simplement, ces formations – bien qu’ayant une place établie en classe de langue, par le biais de biographies langagières ou de cartes de mobilité – ne s’attèlent pas à faire produire ces discours en langue-cible. Elles visent une prise de conscience des stratégies d’adaptation, des capitaux et représentations de départ et d’arrivée, ou rendent explicites des processus d’apprentissages culturels et de langue. Elles sont menées dans une perspective ethno/anthropologique et ne constituent pas nécessairement des objectifs de FOS. Voir, à ce sujet, par exemple, les travaux de Molinié (2023 ; 2024), de Baroni (2021) ou de Gohard-Radenkovic (2009).

4 Disponibles sur Arte

5 Il s’agit du projet de Mme Christelle Garcia, Mr. Alex Merlin-Leclercq et de Mme Nadège Malfait, participant-es au séminaire SP24.

6 Définition du CNTRL (Centre de ressources lexicales et textuelles)

7 Dans les méthodes de langue, ainsi que sur des sites dédiés au FLE, les activités usuelles pour faire décrire un objet sont par exemple la fiche d’identité d’un objet (nom, matière, forme, couleur, utilité, où on le trouve et comment on l’utilise), ou le portrait chinois des objets (faire deviner l’objet choisi).

8 Il s’agit du projet de Mme Lory Farina, participante au séminaire SP24.