Éditorial. Réguler la mise en œuvre des politiques éducatives. Acteurs/trices, instruments et stratégies

Georges Felouzis, Université de Genève
Sonia Revaz, Université de Genève

DOI : 10.51186/journals/ed.2024.14-2.e1748

Dans le domaine de l’analyse des politiques publiques, nombreux sont les travaux de recherche qui ont montré l’insuffisance des décisions politiques pour réformer les institutions et la société. L’essor de la sociologie des organisations (Crozier & Friedberg, 1977), de la sociologie de l’administration (Pressman & Wildavsky, 1973) et de la sociologie de l’action publique (Hassenteufel, 2011) a permis de comprendre que l’application d’une décision politique ne va pas de soi. En cause, le fait que les politiques publiques sont le fruit d’une construction sociale de la réalité, au sens de Berger & Luckmann (1997), c’est-à-dire le résultat d’une activité humaine objectivée dans les institutions et subjectivée par le sens que les acteurs/actrices leur attribuent. Elles sont l’objet d’un travail opéré par une multitude d’acteurs/trices individuel-les et collectifs/tives, publics/iques et privé-es, agissant à différents échelons de l’action publique. Si les décisions politiques ne font pas les réformes, c’est que chaque type d’acteurs/trices est porteur d’une rationalité qui lui est propre, irréductible aux logiques des réformes, car construite sur plusieurs systèmes institutionnels, représentationnels et d’intérêts (Muller & Surel, 1998). L’analyse des politiques publiques contemporaines montre ainsi les limites d’une conception wéberienne de l’action publique et de « la capacité des règles juridiques à produire des effets sociaux et économiques pleinement contrôlés par l’action administrative » (Hassenteufel, 2011, p. 93). La mise en œuvre d’une politique n’est jamais une simple application de lois, de règles ou de principes, mais un processus qui implique des négociations, des ajustements et parfois des contournements et des résistances.

1. L’ÉDUCATION COMME LOOSELY COUPLED SYSTEM DANS UN CADRE DE BUREAUCRATIE PROFESSIONNELLE

L’article fondateur de Weick (1976) permet de comprendre ces processus de contournement et de résistance en lien avec la nature des institutions éducatives. Il définit en effet ces dernières comme des loosely coupled systems dans lesquels la mise en œuvre des réformes n’est jamais une simple « phase » de réalisation d’un programme d’action gouvernemental, mais un moment clé de construction d’une politique. Le concept de loose coupling (couplage lâche) renvoie à une faible coordination entre les différents éléments et niveaux d’une organisation ; entre la direction d’un établissement et les enseignant-es par exemple, ou entre l’autorité décisionnelle et l’équipe de direction (Coburn, 2004). Cette faible coordination a pour corolaire une grande autonomie des acteurs/trices et un « pouvoir discrétionnaire » fort (Lipsky, 1980) dans l’exercice quotidien du métier, notamment dans le domaine de l’enseignement (Winz, 2022). Ces loosely coupled systems sont, pour Weick (1976), des systèmes « non modifiables et incapables d’être utilisés comme moyen de changement » (p. 8). Ajoutons, pour compléter et enrichir la vision de Weick, que les acteurs/trices des systèmes éducatifs sont organisé-es au sein de professions le plus souvent structurées autour de valeurs et de pratiques communes (Duru-Bellat, et al., 2018 ; Tardif & Lessard, 2004 ; Van Zanten, 2002), ce qui donne aux organisations éducatives le caractère d’une bureaucratie professionnelle au sens de Mintzberg (1998). Les professionnel-es y sont hautement qualifié-es et l’élément clé de l’organisation est le « centre opérationnel », c’est-à-dire le lieu où s’effectue le travail de base de l’éducation : l’enseignement (les classes et établissements notamment). De ce fait, les acteurs/trices de l’éducation (enseignant-es ; chef-fes d’établissement ; éducateurs/trices et autres professionnel-les ; parents) ont une forte capacité d’action dans la redéfinition des réformes et politiques éducatives, rendant leur mise en œuvre effective tributaire des routines institutionnelles comme des intérêts et référentiels des corps organisés.

C’est ainsi que les travaux de Ball (1993 ; 1994), Lessard & Carpentier (2015), Enthoven, Letor et Dupriez (2015) et Winz (2022) mettent en évidence la façon dont les politiques éducatives sont « remises en jeu » dès lors qu’elles sont appliquées dans les établissements scolaires. Dépassant une vision verticale et descendante de l’action publique, ces travaux pensent les politiques éducatives contemporaines comme des co-constructions opérées par l’ensemble des acteurs/trices du système éducatif, allant bien au-delà du travail des décideur-es qui incarnent la puissance publique. L’action publique éducative est désormais analysée du point de vue des multiples lieux d’influence, incluant les chef-fes d’établissements considéré-es parfois comme les pilotes du changement (Fournier & Masou, 2016), les professionnel-es de l’enseignement et leur action dans la classe (Coburn, 2004 ; Douniès, 2020) ou encore les mouvements sociaux et groupes d’intérêt qui se font porte-parole de collectifs défendant une cause (Dür & de Bièvre, 2007).

La multiplicité des échelons de la mise en œuvre d’une politique éducative implique que son orientation initiale soit nécessairement interprétée, traduite et par conséquent transformée (Lessard & Carpentier, 2015). En ce sens, l’implantation – ou l’implémentation, si l’on préfère l’anglicisme – d’une politique éducative sur le terrain est une étape à part entière de sa construction, cruciale dans sa trajectoire (Ball, 1993) et déterminante dans son « produit fini ». « Formation and implementation as part of one process » avancent Datnow & Park (2009), mettant en évidence l’interdépendance entre la conception et la mise en œuvre des réformes scolaires du point de vue de leurs résultats. Elles soulèvent particulièrement l’aspect problématique de l’attribution de l’échec des réformes et de leurs effets décevants à leur implantation sur le terrain : « Une politique peut être mise en œuvre avec succès en termes de fidélité aux procédures, mais l’exécution fidèle d’une politique ne signifie pas qu’elle produira les résultats escomptés »1 (Datnow & Park, 2009, p. 349). Poser la question de ce que la mise en œuvre et ses modes de régulations font aux politiques éducatives revient surtout à questionner la façon dont elles se concrétisent et à mettre au jour les processus qui leur permettent d’être observables et de produire du changement. C’est l’objet du présent numéro.

2. MISE EN ŒUVRE ET MISE À L’ÉPREUVE

L’intérêt de questionner les processus sous-jacents à la mise en œuvre des réformes dans le domaine de l’éducation prend notamment sa source dans les distorsions fréquemment observées entre la forme qu’elles prennent « sur le papier » et celle qu’elles réalisent in fine après leur implantation sur le terrain (Lessard & Carpentier, 2015 ; Maroy, et al., 2022). Ces décalages ont poussé les chercheur-es à avancer l’idée qu’une politique éducative est nécessairement mise à l’épreuve lorsqu’elle est implémentée sur le terrain de l’école. Une « épreuve de réalité » (Draelants & Revaz, 2022), où s’affrontent d’un côté la dynamique de changement impulsée par le politique et de l’autre les représentations, règles, normes et routines institutionnelles solidement ancrées dans les pratiques et cultures professionnelles (Dupriez, 2015). Cette mise à l’épreuve des politiques éducatives est attestée par de nombreuses recherches, dont celle de Coburn (2004) sur les différents types de réponses d’enseignantes californiennes face à des injonctions à changer leurs pratiques pédagogiques en enseignement de la lecture : rejet, découplage, structures parallèles, assimilation, accommodation. De même, les travaux sur la mise en œuvre des Comprehensive School Reforms (CSR) aux États-Unis (Bryk, 2017 ; Rowan & Miller, 2007) mettent en évidence une réappropriation des principes des réformes par les professionnel-les dans leurs pratiques quotidiennes. Élaborées dans le but d’améliorer les pratiques pédagogiques des enseignant-es et, in fine les apprentissages des élèves, les CSR reposent sur du matériel et des méthodes innovantes. En étudiant la façon dont les professionnel-les reçoivent ces éléments innovants, Bryk (2017) montre notamment que l’insuffisante clarté des injonctions contribue au développement de constructions « artisanales » et locales des réformes, où les enseignant-es adaptent les orientations initiales de la politique aux besoins spécifiques de leur contexte. Dans une perspective similaire, les évaluations de la politique No Child Left Behind (Gamoran, 2012) aux États-Unis ont pu montrer les réorientations pédagogiques et curriculaires des enseignant-es qui, dans nombre de cas, vont « enseigner pour les tests » (teaching to the test) de façon à atteindre les objectifs fixés par la loi dans le cadre d’une politique d’accountability (Felouzis & Savioz, 2021). En Europe aussi, la recherche de Enthoven, Letor et Dupriez (2015) sur les aspects organisationnels d’une réforme de l’enseignement fondamental en Belgique francophone, celle de Crahay, Issaieva et Monseur (2014) sur les croyances des enseignant-es en matière de redoublement et celle de Winz (2022) sur une réforme structurelle en Suisse aboutissent au même type de conclusion : le travail de réinterprétation, de négociation et de traduction des modalités des réformes se construit au prisme des valeurs, représentations et intérêts des professionnel-les, montrant la capacité d’action des corps constitués dans les institutions éducatives. Ces différents exemples illustrent la systématique transformation des politiques telles qu’elles sont initialement élaborées, mais aussi l’étendue de cette transformation en fonction des types de réformes (Lessard & Carpentier, 2015) : les réformes « procédurales » qui touchent à la structure, aux modes de gouvernance et de financement des systèmes éducatifs (la recherche de Enthoven et ses collègues, par exemple ou celle de Winz) et les réformes « substantielles » qui visent à agir sur des aspects pédagogiques, plus proches de ce qu’il se passe dans les classes, comme les CSR. En d’autres termes, peu importe que les fonctionnements institutionnels visés par le changement soient structurels ou pédagogiques, la mise en œuvre des réformes est toujours une mise à l’épreuve qui va transformer la politique telle qu’elle a été élaborée « sur le papier ». La littérature associe ainsi depuis de nombreuses années la mise en œuvre des politiques éducatives à des processus de traductions locales et de bricolages permanents (Ball, 1994).

La mise en œuvre des réformes éducatives relève en définitive de processus complexes dont les contours sont souvent flous en raison de l’ampleur et de la diversité des réponses apportées aux décisions politiques. En témoignent les travaux de Chimbi & Jita (2021), qui ont analysé les métaphores employées dans la littérature sur la mise en œuvre en éducation. Ils relèvent que la plupart de ces métaphores sont fortement péjoratives : un champ de bataille, un contrôle fantôme, un casse-tête, un projet de jardinage, une tragi-comédie, une toile d’araignée, une tempête, une épidémie, un tas de m*, un mouvement d’horlogerie, etc. :

Some metaphors showed anger, others reflected confusion, and yet others espoused hope and positive expectations in curriculum change. This diversity in reform metaphors indicates that curriculum policy enactment remains contentious and no single cluster of metaphors can comprehensively capture the complexity of policy implementation. (p. 207)

Il y a donc une « énigme » de la mise en œuvre, en ce sens qu’elle suscite passion, oppositions, problèmes, approximations, contournements, etc. Et il est pertinent de mobiliser les outils de la sociologie pour comprendre cette énigme dans la perspective d’identifier les conditions sociales et institutionnelles de la mise en œuvre des politiques éducatives.

3. UNE APPROCHE NÉO-INSTITUTIONNALISTE DE LA MISE EN ŒUVRE

Pour rendre compte du caractère complexe et relevant de multiples rationalités de la mise en œuvre des politiques éducatives et, in fine, mieux comprendre le fonctionnement des systèmes éducatifs, nous proposons dans ce numéro de mobiliser les outils théoriques du courant néo-institutionnaliste (Hall & Taylor, 1997). Il s’agit de mettre en évidence les logiques d’action à l’œuvre dans l’action publique éducative – aux niveaux macro, méso et micro – et ainsi de questionner les facteurs organisationnels et institutionnels des processus qui participent à la gestion des systèmes éducatifs. Le principe général de cette approche est de considérer les institutions — ici les institutions scolaires, mais aussi politiques, administratives, familiales — comme la clé de compréhension des trajectoires des politiques publiques. Par trajectoire, nous entendons le déroulement effectif d’une politique, de sa mise en discours à son implantation sur le terrain, sans postuler une quelconque « fidélité » au projet de départ. Il ne s’agit donc pas de mesurer la « réussite » d’une politique ou sa conformité à un programme d’action initial, mais de comprendre selon quelles logiques et quelles rationalités elle se concrétise, se transforme et évolue dans un contexte institutionnel spécifique. Dans cette perspective, la trajectoire d’une politique est, pour reprendre Maroy et ses collègues (2022), sa « vie dans le temps en fonction de trois contextes/moments forts : le contexte de l’influence (policy context), celui de la production de la politique (policy text) et celui ou plutôt ceux de la pratique » (p. 22).  

Selon l’approche néo-institutionnaliste, le concept d’institution revêt un sens double : concret et matériel d’une part, abstrait et immatériel, d’autre part. Dans son sens premier, issu des premiers travaux sociologiques, l’institution est une structure abstraite, socialement construite et constituée de règles – modes de faire et de penser – encadrant les individus et leurs actions (Durkheim, 2013). Le second sens de l’institution fait référence à une dimension plus matérielle, pensée notamment par la sociologie des organisations, renvoyant non seulement à ces règles, mais aussi à des « outils, des objets, des espaces de travail, autant d’éléments matériels qui contribuent, de manière parfois plus indirecte, mais tout aussi importante, à ordonner les relations interpersonnelles » (Gilbert & Raulet-Croset, 2021, p. 46). Dans cette vision de l’institution comme organisation, les individus possèdent une marge de manœuvre face aux règles qui structurent leurs modes de conduite et de pensée (DiMaggio & Powell, 1983). Articulant ces deux acceptions, l’approche néo-institutionnaliste envisage les choix des acteurs/trices comme étant en partie contraints (Draelants & Maroy, 2007 ; Ingram & Clay, 2000) par des normes, règles et modes de penser qui ne sont plus questionnés, mais aussi par le fait que toute action au sein d’une organisation relève d’une rationalité limitée (Friedberg, 1993 ; Musselin, 2005) dès lors que les stratégies des autres membres ne sont que partiellement connues. Ces travaux montrent que les professionnel-les sont des « policy makers » qui utilisent leur marge de liberté, leur autonomie, leur « pouvoir discrétionnaire » (Lipsky, 1980) pour agir en fonction de logiques qui leur sont propres, souvent bien différentes des logiques des autorités publiques. Dans cette perspective, les politiques et réformes éducatives peuvent être définies comme des entreprises de changement institutionnel (Draelants, 2009), c’est-à-dire des processus, stratégies et ressources visant à modifier les fonctionnements institutionnalisés au sein même de l’école.

L’apport d’une telle approche est ainsi de concevoir la trajectoire d’une politique ou d’une réforme en lien étroit avec la nature et le fonctionnement des institutions. Or, dans le cas de l’éducation, la double caractéristique d’un système de couplage lâche et d’une bureaucratie professionnelle implique une approche multiniveau du changement dans lequel le politique est un élément important, certes, mais au sein de nombreuses autres sphères d’influence. Le tableau ci-après, inspiré de la contribution de Datnow & Park (2009) dans le Handbook of Education Policy Research, aide à comprendre les différentes approches possibles de l’action publique et à éclairer la question de la mise en œuvre dans le domaine de l’éducation sous l’angle du néo-institutionnalisme.

Tableau 1. Trois perspectives dans l’analyse de la mise en œuvre des politiques en éducation

Source : d’après Datnow & Park (2009), revu par les auteur-es

Les auteures mettent en évidence la façon dont les modalités de mise en œuvre de politiques éducatives reflètent des modèles et représentations de l’action publique distincts. Dans la perspective dite « rationnelle », la mise en œuvre d’une politique est conçue comme autonome par rapport à son élaboration. Le processus est alors censé être vertical, descendant et les injonctions fidèlement appliquées sur le terrain. Les approches d’adaptation mutuelle et de coconstruction envisagent en revanche la mise en œuvre comme un ensemble de processus plus complexes dans lesquels des ajustements et négociations entre les différentes sphères d’influence sont incontournables et nécessaires. L’un des écueils de l’option « rationnelle » est de postuler qu’il n’existe dans l’action publique qu’une seule rationalité et que celle-ci est incarnée par une instance politico-administrative telle que l’État. On présume ainsi que la mise en œuvre doit prendre la forme d’une application pure et simple de la politique telle que définie « par le haut ». La valeur centrale de la réussite d’une politique est la fidélité de l’application des préceptes définis sur le papier. Or, dans le domaine de l’éducation comme dans beaucoup d’autres, nous avons montré qu’il n’y a pas une, mais plusieurs rationalités, car une multitude d’acteurs/trices sont agissant-es, notamment celles et ceux chargé-es de réaliser concrètement la politique dans l’exercice de leur travail. D’où le caractère bidirectionnel voire multidirectionnel du changement dès lors que la mise en œuvre est considérée comme faisant partie intégrante du processus de production d’une politique. Celle-ci n’est donc plus une « chose » imposée par le haut (colonne 1), ni émanant de l’expérience directe de « la base » (colonne 2), mais relevant d’une coconstruction multiniveau incluant sa conception comme sa mise en œuvre. La valeur d’une politique ne se mesure donc pas à son application, mais à son caractère hybride, négocié, ajusté au contexte. Ainsi, Maroy et ses collègues (2022) soulignent que :

Plus on sera sensible aux contextes singuliers et spatio-temporellement ancrés, moins il sera possible de penser la mise en œuvre de toute action publique en termes de fidélité stricte à un modèle d’intervention précis, fortement protocolarisé, comme s’il suffisait de transposer une intervention directement du laboratoire à la classe. La contextualisation porte en elle une exigence d’adaptation aux contraintes et opportunités d’une situation toujours singulière. C’est même une condition de l’efficacité de cette intervention. Ces adaptations ne sont pas des dérives ou des fautes à corriger, elles sont le fruit d’une confrontation créatrice entre le réel et le prescrit. (p. 40)

En somme, l’approche adoptée dans ce numéro vise à mettre en évidence les différentes modalités de mise en œuvre des politiques éducatives et observer la façon dont les acteurs/trices agissent en situation : en fonction de quelles logiques d’action, de quelles valeurs, de quels intérêts ? Comment donnent-elles/ils du sens aux réformes ? Comment s’articulent stimuli politiques et valeurs professionnelles ? Comment les contextes organisationnels agissent-ils et dans quel sens ? Comment réguler l’action de ces individus et collectifs d’individus dans un contexte de changement institutionnel ? Sur ce dernier point, un vif débat existe pour savoir sur quels principes de légitimité cette régulation peut se construire (Draelants & Revaz, 2022 ; Dupriez, 2022). Pour apporter des éléments de discussion à ce débat, nous proposons une typologie des modes de régulation de la mise en œuvre des politiques d’éducation observés dans divers cas nationaux et différents types de réforme ou de politique d’éducation.

4. QUELLE RÉGULATION ?

Comment l’implantation d’une réforme scolaire dans la réalité du terrain est-elle aménagée, ajustée et coordonnée ? Surtout, quels modes de régulation permettent de limiter le loose coupling entre les différents composants et niveaux de l’école en tant qu’institution ? Par régulation, nous entendons ici « le processus de production des règles et d’orientation des conduites des acteurs » (Maroy & Dupriez, 2000, p. 74) qui permet le bon fonctionnement, la stabilité et la cohérence de l’institution scolaire. Ces règles sont non seulement produites et promues par la puissance publique, mais aussi construites « au fil des pratiques et usages concrets » (Maroy, 2007, p. 87) par l’ensemble des acteurs/trices de l’institution.

Les pratiques de régulation qui contribuent à l’équilibre des systèmes éducatifs peuvent être multiples. Bien que celles-ci dépendent des contextes et environnements dans lesquels elles se déploient, elles convergent sur plusieurs points depuis le développement de la Nouvelle gestion publique (NGP, New Public Management) dans les années 1970 aux États-Unis et 1980 en Europe. Véritable révolution internationale du management et de la gouvernance des secteurs publics, la NGP repose sur la contestation de la capacité de l’État à gérer efficacement les politiques publiques et sur la recherche constante de l’efficacité et de l’efficience. Dans cette logique, les « bonnes pratiques » (Derouet, 2006) sont rapidement identifiées dans des contextes locaux et reproduites à l’échelle internationale, donnant lieu à une forme de mimétisme institutionnel (DiMaggio & Powell, 1983) permettant de retrouver des modes de régulation similaires dans des pays et contextes parfois très différents. Il existe d’autres types de régulation. Nous en développons six ci-dessous, sans prétendre à l’exhaustivité ou à une forme de dissociation stricte des uns et des autres, ces modes de régulation étant le plus souvent articulés et combinés dans la réalité concrète des systèmes éducatifs.

Bien qu’ils coexistent dans la plupart des systèmes éducatifs, ces modes de régulation agissent sur des leviers différents et présentent des dérives potentielles. L’idée ici n’est donc pas de hiérarchiser ces modes de régulation ou d’en évaluer la pertinence, mais de dessiner les différents usages observés dans différents contextes nationaux. Il ressort de cette mise en perspective qu’aucun modèle n’est parfaitement fonctionnel et qu’une régulation multiniveau est toujours nécessaire pour faire face à la complexité de la mise en œuvre d’une politique éducative.

Tableau 2. Six modèles de régulation et leur dérive potentielle

Le premier mode de régulation de la mise en œuvre se caractérise par une hiérarchie au sommet de laquelle l’État a le quasi-monopole en matière d’éducation : « Les administrateurs centraux évaluent les besoins éducatifs de la population, ils planifient les constructions, recrutent et titularisent les professeurs, fixent les salaires et pensions, déterminent le programme d’étude ou les critères d’évaluation devant conduire à la certification » (Vandenberghe, 2001, p. 112). Il s’agit d’un système centralisé s’appuyant sur des normes et standards universels appliqués à l’ensemble des localités, indépendamment de leurs spécificités. Cette structure organisationnelle est justifiée au nom de la rationalité (Maroy, 2008).

Les systèmes éducatifs et la mise en œuvre de politiques éducatives peuvent aussi être régulés dans une logique professionnelle mettant au centre les savoirs issus de la pratique ainsi que l’identité, les valeurs et les normes professionnelles. Dans ce modèle de régulation, ce sont les savoirs d’expérience qui justifient et légitimisent les fonctionnements institutionnels de l’école et les éventuels changements qui doivent y être apportés. Par exemple, Lefeuvre & Savournin (2020) ont analysé la façon dont des chef-fes d’établissement du secondaire en France ont mobilisé les enseignant-es pour mettre en œuvre un dispositif innovant d’évaluation sans note visant à contribuer au « recouplage » entre les principes institutionnels et ce qu’il se passe dans la classe. Nécessitant un rapport de confiance entre les deux corps professionnels, le travail collectif qui s’est opéré dans l’établissement a permis de valoriser les savoirs d’expérience, notamment des enseignant-es familières/ers avec l’évaluation par compétences. Si la richesse d’une telle approche réside dans le fait que les professionnel-les (chef-fes d’établissements, enseignant-es et autres personnels de l’éducation), faisant partie des premières/ers concerné-es, ont une voix prioritaire dans la gestion des systèmes éducatifs, elle présente le risque de confondre les intérêts de la profession avec ceux des autres acteurs/trices de l’institution, tel-les que les élèves et leur famille, ou plus globalement de l’école en général. L’un des risques d’un tel mode de régulation est en effet le rejet du changement ou de l’innovation, voire un conservatisme des pratiques et une défense exclusive des intérêts des professionnel-les au détriment de ceux des autres acteurs/trices.

C’est historiquement en réaction à ces deux premiers modèles que se sont développés trois autres modes de régulation des systèmes éducatifs et des politiques éducatives. Ils découlent de la Nouvelle gestion publique : l’accountability, les marchés scolaires et l’evidence-based policy. En réponse aux critiques de la gestion des affaires publiques par l’État, les responsabilités sont redistribuées : les établissements et les professionnel-es gagnent en autonomie, moyen jugé plus à même d’appréhender les besoins locaux. De son côté, l’État, qui avait auparavant le monopole de la gestion des systèmes éducatifs, prend le rôle d’évaluateur. Les établissements, redevables (accountable) de l’autonomie que la puissance publique leur accorde pour produire des prestations éducatives, doivent rendre des comptes quant aux résultats de leur action pour attester l’atteinte des objectifs standardisés, mesurables et préalablement fixés. La reddition des comptes va donc de pair avec l’évaluation ; les résultats étant fréquemment mesurés par des tests des acquis des élèves, mais également par d’autres indicateurs en lien par exemple avec les effectifs d’élèves ou encore avec la suite de leur cursus de formation. Particulièrement développées au Québec (Dutercq & Maroy, 2017), aux États-Unis (Gamoran, 2007 ; Ladd, 2017) et en Angleterre (Ball, 2021 ; Towers, et al., 2022), ces politiques de responsabilisation constituent également un mode de régulation de la mise en œuvre des politiques éducatives, puisqu’elles visent à renforcer le couplage entre les différents niveaux de l’organisation scolaire. La gestion axée sur les résultats en est un exemple. Letor (2021) montre, par exemple, la façon dont les directions d’établissement en Belgique ont mis en œuvre le programme pilote « école en écart de performances » dans le cadre du Pacte pour un enseignement d’excellence. Ses analyses pointent particulièrement la nécessaire collaboration, non seulement entre les directions et les enseignant-es, mais aussi les services de l’administration et les pouvoirs organisateurs, considérés comme de réelles ressources dans la régulation de la mise en œuvre du programme. Si les politiques d’accountability visent à resserrer les composants et les niveaux de l’organisation scolaire, elles présentent le risque d’une focalisation trop importante sur les résultats à atteindre, réduisant les gestes professionnels et les domaines enseignés au seul objectif de réussir les tests (McMurrer, 2007). Ce fut le cas pour la politique compensatoire No Child Left Behind aux États-Unis qui a conduit nombre d’enseignant-es, évalué-es sur leur capacité à faire progresser leurs élèves et à réduire les inégalités d’apprentissage, à focaliser leur enseignement sur la réussite de leurs élèves aux tests, plus que sur leur acquisition de compétences et de savoirs, réduisant ainsi le champ de leur enseignement (Felouzis & Savioz, 2021 ; Gamoran, 2012 ; Maleyko & Gawlik, 2011).

Le mode de régulation par le marché prend pour principe que le jeu de l’offre et la demande d’éducation comporte une capacité d’autorégulation à la fois des comportements au travail des professionnel-les et du fonctionnement des établissements scolaires. Ce référentiel marchand participe de façon croissante à l’orientation des politiques éducatives dans la plupart des pays dans le monde (Verger, Fontvilla & Zancajo, 2016). Se développent ainsi des marchés scolaires, permettant « l’ouverture de services publics éducatifs à une participation du secteur privé dans un but lucratif, et en utilisant le secteur privé dans le but de concevoir, de gérer ou de mettre à disposition certains aspects de l’enseignement public » (Ball & Youdell, 2007, p. 9). Les principes fondateurs de l’apparition des marchés scolaires relèvent d’une recherche d’efficacité et d’efficience caractéristique, à nouveau, de la NGP. La concurrence entre les prestataires – publics et privés confondu-es – étant un facteur incitatif à développer une offre de qualité, elle repose sur le postulat d’une meilleure efficacité des systèmes éducatifs basés sur le choix de l’établissement par les parents et par la concurrence entre établissements. L’apparition du référentiel marchand en éducation ne se limite toutefois pas à l’émergence de prestataires privés. Il consiste également à importer le fonctionnement et les pratiques du privé vers le public. Toutefois, comme les autres modes de régulation, la privatisation et les marchés scolaires présentent des limites. Pour ne prendre qu’un exemple récent en France, Oberti (2023) met en évidence l’impact des établissements privés sur la ségrégation scolaire et les inégalités. Aux États-Unis aussi, la régulation des systèmes éducatifs par le marché a contribué au renforcement des inégalités de ressources entre établissements :

En effet, les municipalités favorisées peuvent doter leurs écoles de budgets conséquents qui leur permettent de recruter des enseignants hautement qualifiés et de proposer une offre scolaire et extrascolaire très riche et diversifiée à leurs élèves, l’inverse étant le cas pour les municipalités défavorisées. (Felouzis, et al., 2013, p. 50)

L’evidence-based policy repose sur un autre référentiel : celui de la rationalisation de l’action publique en se fondant sur des pratiques ayant fait leurs preuves dans divers contextes. L’enjeu s’inscrit dans une volonté de régulation de la mise en œuvre de l’action publique en éducation. Cela se traduit par la mobilisation des résultats de travaux scientifiques dans la prise de décision politique. Le programme Success for All (SFA), développé dans les années 1990 aux États-Unis, en est une illustration. Conçu pour améliorer l’entrée dans l’apprentissage de la lecture des élèves de l’enseignement préscolaire et primaire, il a été élaboré pour montrer « ce à quoi les écoles pouvaient ressembler si elles utilisaient des programmes et des pratiques prouvées comme étant efficaces par des recherches rigoureuses »2 (Slavin, 2008, p. 152). En Europe, les travaux de Draelants (2009) illustrent la façon dont les résultats de la recherche en éducation ont servi de fondements pour élaborer et mettre en œuvre une réforme de suppression du redoublement en Belgique francophone dans les années 1990. Ils montrent également la façon dont le recours aux résultats scientifiques a relégué au second plan l’expertise et les savoirs d’expérience des professionnel-les, nuisant à leur adhésion à la réforme, à sa légitimation et, in fine, sa mise en œuvre (Draelants & Revaz, 2022).

Le sixième mode de régulation de la mise en œuvre des politiques éducatives est plus prospectif que les précédents. Il est fondé sur la participation des acteurs/trices de l’éducation à la construction collective des outils de la mise en œuvre. Il peut s’agir, comme dans le cas étudié par Dumay et ses collègues (2013), de mobiliser des enseignant-es et chef-fes d’établissements pour construire les outils de mesure d’évaluation externe des acquis des élèves en Communauté française de Belgique. La politique étudiée touche au cœur du travail enseignant, car, précisent les auteur-es, « elle vise notamment, par la restitution d’informations sur les résultats des élèves, une évaluation formative des professionnels de l’éducation au niveau local et un changement de leurs pratiques d’enseignement » (p. 126). Dans ce cas, les auteur-es comparent deux districts scolaires dont l’un fonctionne en imposant dans une logique hiérarchique et top-down des outils d’évaluation qui ne seront in fine que très peu utilisés — et donc non mis en œuvre — par les enseignant-es. L’autre district choisit un fonctionnement plus horizontal en impliquant les enseignant-es et chef-fes d’établissement à la construction des outils de mesure des acquis des élèves. Dans ce cas, l’appropriation de l’instrument est bien plus effective et l’instrument est concrètement mis à profit par les enseignant-es pour innover dans leurs pratiques pédagogiques. Ici, la coconstruction des outils et la coopération avec les acteurs/trices de terrain deviennent des instruments d’action publique (Lascoumes & Le Galès, 2005) dédiés à la mise en œuvre. D’autres exemples empiriques peuvent être mobilisés pour illustrer ce type de régulation participative dont le design peut varier d’un contexte à l’autre. Leur point commun est la mobilisation d’acteurs/trices de la « base opérationnelle », pour reprendre le concept de Mintzberg, dont on suscite l’engagement par la coopération et l’implication. Bernard & Michaut (2014) en montrent les modalités dans le cadre de la lutte contre de décrochage scolaire, dont l’un des principes d’action est un partenariat approfondi entre les enseignant-es et les parents d’élèves dans le but de construire une « communauté éducative » apte à prévenir le décrochage scolaire dans le secondaire. Ainsi, cette configuration « repose sur une logique de coéducation, à finalité de prévention structurelle. La question clé est alors celle de la mobilisation, ce qui amène des pratiques d’ouverture de la forme scolaire » (p. 124). De même, Moldoveanu et ses collègues (2021) entreprennent de comprendre les effets d’une recherche-action sur les pratiques d’enseignement et de développement professionnel d’enseignantes du primaire au Québec dans le but de « coconstruire et de mettre en œuvre des pratiques différenciées d’enseignement de l’écriture auprès d’élèves de milieux défavorisés » (p. 406). Concrètement, « pendant deux ans, les six enseignantes ont concentré leur attention sur la coconstruction d’une compréhension harmonisée des concepts structurants du projet, soit les approches différenciées d’enseignement de l’écriture, le rapport à l’écriture et la compétence scripturale » (Moldoveanu, et al., 2021, p. 424). Ce travail coopératif a abouti à plusieurs résultats, notamment à des changements dans les pratiques professionnelles de ces enseignantes. Ces quelques exemples montrent que la mobilisation et la participation des acteurs/trices de terrain constituent un instrument potentiel de régulation de la mise en œuvre des politiques éducatives. Au plan des limites d’une telle démarche, on peut évoquer sa temporalité, nécessairement longue et progressive, ainsi que sa nécessaire singularité locale qui interroge les valeurs d’équité de nos sociétés contemporaines.

In fine, questionner les différents modes de régulation des politiques éducatives et leur impact sur la réalité des contextes dans lesquels elles sont implantées permet de rendre compte de la complexité de la mise en œuvre. À travers les différentes contributions à ce numéro, nous souhaitons rouvrir la question de la mise en œuvre, mettre en évidence son interdépendance vis-à-vis de la conception des politiques éducatives et illustrer la façon dont elle se concrétise dans différents contextes institutionnels, organisationnels et locaux.

5. PRÉSENTATION DES CONTRIBUTIONS

Les contributions présentées dans ce numéro sont autant de contextualisations possibles de la question de la mise en œuvre des politiques d’éducation dans des cas nationaux et régionaux variés. 

Sur le contexte français, Hélène Buisson-Fenet propose de retracer la façon dont l’inclusion scolaire prend des formes spécifiques au sein de l’éducation nationale. L’auteure analyse la mise en œuvre des Pôles inclusifs d’accompagnement localisés (PIAL). Ces dispositifs se sont concrétisés en France par le recrutement d’Accompagnantes des élèves en situation de handicap (AESH). L’enquête de terrain réalisée entre 2019 et 2022 dans l’académie de Lyon montre que :

La mise en œuvre des Pôles localisés d’inclusion scolaire depuis janvier 2019 produit une réponse en articulant l’indécision instrumentale (le PIAL est ce que pilotes et coordonnateurs/trices en font) et la rigidité institutionnelle (la gestion des personnels contractuels est calquée sur celle des personnels statutaires). (p. 211)

Dans le cas du Brésil, l’article de Julia Cardoso et Georges Felouzis est centré sur le travail d’intermédiaire institutionnel des cheffes d’établissement dans la mise en œuvre de la réforme du programme d’éducation intégrale (PEI) à São Paulo. Leurs analyses montrent comment les directrices d’établissement occupent un rôle de médiatrices entre les intérêts du système d’éducation publique et la communauté professionnelle, rôle particulièrement important face aux défis structurels qui compliquent l’implantation du PEI. Plus particulièrement, l’article expose le poids de l’adhésion des directrices au PEI sur son acceptation par les enseignant-es, les élèves et les parents.

Tania Ogay et Xavier Conus traitent d’un programme de développement de la qualité des écoles dans le canton de Fribourg. À partir d’une enquête ethnographique conduite au sein de l’administration scolaire, les auteur-es analysent les stratégies opérées par les cadres de l’administration, ainsi que les obstacles auxquels elles/ils se confrontent dans la mise en œuvre de cette politique de qualité. Parmi les difficultés identifiées, l’obtention de l’adhésion des professionnel-les de terrain et l’implication des parents d’élèves sont particulièrement saillantes. L’article questionne in fine les conditions du changement institutionnel à l’école dans un contexte de régulation par la mobilisation et la participation.

Julia Napoli centre son approche sur le canton de Genève. Comment et à quel degré les chef-fes d’établissement favorisent-elles/ils la collaboration professionnelle entre les enseignant-es et les éducateurs/trices dans le cadre de la politique d’enseignement prioritaire développée dans ce canton ? À partir d’une enquête par entretiens dans sept écoles primaires, l’auteure donne à voir la façon dont les cultures professionnelles contrastées des acteurs/trices en présence et la dualité des systèmes hiérarchiques (enseignant-es et éducateurs/trices ne dépendent pas de la même ligne hiérarchique) rendent complexe cette collaboration. Toutefois, « les directions d’établissement qui adoptent une position de neutralité et de médiation effective facilitent une collaboration harmonieuse et efficace entre enseignant-es et éducateurs/trices » (p. 266).

L’article de Stéphanie Rienzo étudie, à partir d’une enquête ethnographique, la mise en œuvre de la collaboration-école-familles dans l’enseignement primaire genevois. Définie comme une politique phare de lutte contre les inégalités scolaires, cette collaboration trouve ses limites d’abord dans le flou conceptuel qui entoure le mot « collaboration » et ensuite dans l’interprétation qu’en font les enseignant-es qui tendent à formuler des attentes descendantes, venant de l’institution et auxquelles les parents doivent se plier sous peine d’être jugés défaillants. Ce processus est analysé comme le fruit de pressions institutionnelles qui s’exercent sur les enseignant-es, et auxquels elles/ils tentent de faire face en fonction de leurs intérêts et de leurs propres logiques professionnelles.

Enfin, Joaquim Sieber propose d’analyser le changement pédagogique dans le cadre d’une réforme portant sur les devoirs à domicile dans le canton de Berne. L’auteur analyse le poids des acteurs/trices et des dimensions organisationnelles et structurelles sur les processus de changement pédagogique dans la classe. En mettant en évidence les nombreux obstacles qui freinent la mise en œuvre de la réforme (l’idée des devoirs et ce qu’ils représentent ; le rôle des devoirs dans la communication avec les parents ou encore l’utilité des devoirs pour réguler le rythme de la classe), l’article souligne l’importance de considérer le changement dans une perspective globale et systémique pour faire face aux résistances.

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Notes

1 Traduit par les auteur-es

2 Traduit par les auteur-es