Alors même que la privatisation1 de l’éducation est un phénomène en croissance, et que la littérature a largement documenté ses conséquences néfastes, telles que l’augmentation des inégalités scolaires et sociales, il demeure difficile d’avoir accès aux données qui permettent des analyses en profondeur sur cette thématique. Plus précisément, l’indisponibilité ou la faible qualité des statistiques, ainsi que d’autres entraves à la conduite de recherches sur le terrain, empêchent une compréhension fine de ces processus, aussi bien dans les pays du Nord que du Sud. Par ailleurs, de nombreuses études dans le domaine sont souvent financées par des lobbys puissants pro-privés, remettant en cause l’impartialité des conclusions formulées2.
“Au cours de leurs travaux, les rapporteures se sont heurtées à la difficulté à définir précisément l’enseignement supérieur privé à but lucratif et au manque de données publiques en la matière. Il n’existe en effet aucune définition juridique de l’enseignement supérieur privé à but lucratif et les outils statistiques du ministère ne permettent qu’un suivi très partiel du secteur, alors que des centaines de milliers d’étudiants sont concernés” (Assemblée nationale française, 2024) “Même lorsque des informations sur les écoles sont accessibles au public, il arrive qu’elles soient peu pertinentes ou trompeuses : les mesures de la qualité des écoles sont habituellement peu significatives, simplistes, voire parfois biaisées pour certaines écoles, qui manipulent les données à leur avantage” (GEMR UNESCO, 2021) |
Ainsi, sans informations fiables, comment bâtir des politiques qui garantissent un accès équitable à une éducation de qualité comme le prévoit l’ensemble des déclarations internationales en la matière ? Si l’ensemble des acteurs/trices engagé-es dans l’éducation partagent cette vision, alors pourquoi limiter l’accès aux données ? Outre la faiblesse liée à la qualité des outils de contrôle et de régulation, l’on émet l’hypothèse que les études sur ce thème pourraient interroger de près des sphères d’influence économique et politique pouvant nuire à leurs intérêts. Cela peut même amener des chercheur-es à s’auto-censurer ou à abandonner les études sur ces défis majeurs, car se sentant en danger.
Les organismes internationaux, tels que l’UNESCO chargée du suivi de l’Objectif de Développement Durable (ODD) 4 relatif à l’éducation, devraient encourager les Etats à s’assurer de la mise à disposition de données quantitatives et qualitatives de qualité sur l’ensemble du secteur de l’éducation, afin de favoriser des études sérieuses sur la privatisation de l’éducation. Aussi, les personnes qui souhaitent accéder aux informations publiques relatives à l’éducation devraient pouvoir le faire en toute sécurité et sans subir de menaces ni de préjudices.
1 La privatisation de l’éducation ne signifie pas simplement un transfert de prérogatives vers le secteur privé, mais elle comprend également une stratification complexe de partenariats public-privé, de subventions publiques à des entités privées, d’initiatives éducatives privées soutenues par le gouvernement ou encore des mécanismes du privé mobilisés par des entités publiques.
2 L’ensemble de ces arguments sont détaillés et illustrés dans le Rapport mondial de suivi sur l’éducation, 2021/2 : les acteurs non étatiques dans l’éducation : qui décide ? qui est perdant ?
Nom | Institution |
Adrião Theresa | RELAAPPE / State University of Campinas (Unicamp) Brazil |
Barragan Juana | Global Initiative for Economic, Social and Cultural Rights |
Barratault Marion | Université de Tours |
Blasius Jacob | Global Student Forum (GSF) |
Blat Sebastien | Enfants du Monde |
Bray Mark | UNESCO Chair in Comparative Education – Hong Kong University |
D’Aquino Mathis | SciencesPo Bordeaux |
Da Silva Rui | Center for African Studies of the University of Porto |
Dorsi Delphine | Right to Education Initiative |
Douabou Aya | Global Initiative for Economic, Social and Cultural Rights |
Frisch Hannah | Results UK |
Gatesoupe Mélissa | Université de Tours |
Ghouati Ahmed | Consultant |
Giband David | Université de Perpignan Via Domitia |
Goin Bi Zamblé Théodore | Université Peleforo Gon Coulibaly |
Goudiaby Jean Alain | Université Assane Seck de Ziguinchor |
Grenier Véronique | Institut national de la recherche scientifique, Canada |
Gueto Melo Celia | Nous Cims Foundation |
Koutou N’Guessan Claude | Université Félix-Houphouët-Boigny |
Lauwerier Thibaut | eduCoop |
Locatelli Rita | Università Cattolica, Milan |
Mama Abdoulaye Djafarou | Université d’Abomey-Calavi |
Mary Kevin | Université de Perpignan Via Domitia, laboratoire Art-Dev |
Martins Erika | Universidade de Lisboa |
Moussa Almoustapha | SYNAFEN |
Ntiranyibagira Constantin | Université du Burundi |
Pérez Lara | Universitat Autonoma de Barcelona |
Pernet Corinne | Zurich University of Teacher Training |
Pilon Marc | Institut de recherche pour le développement (IRD), France |
Sharma Laxman | General Federation of Nepalese Trade Unions (GEFONT) |
Sidibe Tidiani | Consultant |
Tenret Elise | Université Paris Dauphine – PSL |
Vergnaud Camille | Unversité Grenoble Alpes |
Winton Sue | Public Education Exchange, York University |
Yabouri Namiyate | Université de Lomé |
Yacouba Djibo Issa | Alliance Globale pour l’Education et le Devellopement |
Yeboua N’Guettia Nana Adjimanne Marcelinbertelo | Institut Universitaire d’Abidjan (IUA) |
Si vous souhaitez que votre nom et institution figure dans cette liste, merci d’écrire à info@educoop.org
Le ReFPE, via eduCoop, a participé au Dialogue de Genève sur le droit à l’éducation, qui s’est tenu les 18 et 19 juin 2024, et organisé par la Commission suisse pour l’UNESCO, l’Université de Genève, l’UNESCO, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme et le réseau REGARD. L’appel y a été relayé.
Message clé 3 : Les données relatives à l’éducation restent limitées, notamment quand il s’agit d’évaluer les effets de la privatisation et des interventions et/ou activités éducatives non étatiques.
Le manque de données constitue un obstacle majeur à l’élaboration de politiques et de réglementations efficaces dans le domaine de la privatisation. Le dialogue a mis en évidence l’opacité du mode de fonctionnement des établissements d’enseignement privés et, partant, la difficulté de réaliser une analyse approfondie de l’impact de ces dernières. Les données permettant de comparer les prestataires publics/ques et privé-es faisant souvent défaut, il est ompliqué d’évaluer clairement les avantages et les inconvénients des différents types de dispositions éducatives. Certain-es participant-es ont jugé indispensable de lancer un appel international à une plus grande transparence et à un meilleur accès à des données de qualité pour l’élaboration de politiques éducatives appropriées et efficaces.
Recommandation 3 : Les gouvernements devraient veiller à ce que tous/tes les acteurs/trices de l’éducation, y compris les prestataires privé-es, soient tenu-es de communiquer des données avec rigueur et transparence.